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Photo du rédacteurClaudia Savard

Parenthèse club vidéo : douce nostalgie


C’est au club vidéo que tout se passait : l’excitation, les découvertes, l’amour.


Parce que ça s’est passé surtout durant mon adolescence, étant une enfant des années 80. L’intérêt pour le 7e art (et du commis au comptoir des locations) s’est cultivé dans ce lieu rempli d’histoires et d’odeur de bobines à « rembobinez-moi svp ».


Écouter un film récent (ou non) au moment choisi demandait un peu plus d’effort que de nos jours avec toutes les plateformes de visionnement disponibles.


Aller au club vidéo permettait de choisir, après avoir lu plusieurs synopsis de derrières de pochettes, un film (ou plusieurs selon les rabais de la semaine). C’était aussi une sortie sociale : se rendre à pied ou en bicycle chez Vidéo St-Félix avec ma meilleure amie était de nature plutôt plaisante. L’excitation (provoquée par le commis au comptoir ou par les pochettes parfois plus explicites), les découvertes (des films français avec Charlotte Gainsbourg ou les films de ciné répertoire à plus petits budgets) et l’amour (illustré par les films qui m’ont fait fantasmer sur la possibilité de vivre mon idéal avec le commis au comptoir). Je pense à Dirty Dancing (1987) que j’ai loué plusieurs fois avant de réussir à l’enregistrer sur une VHS, avec les annonces. Mais aussi, toutes les comédies romantiques dont je ne me rappelle plus des titres mais qui ont sûrement façonné, inconsciemment, mon côté romantique et idéaliste de la Relation amoureuse avec un grand R. D’ailleurs, j’ai bien hâte de lire l’ouvrage Mister Big! que vient de publier India Desjardins sur ce phénomène, sur l’influence que pourrait bien avoir la fiction sur nos propres relations…


Tout ça pour dire que l’excitation, les découvertes et l’amour se sont souvent côtoyés lors de mes visites chez Vidéo St-Félix. Quand je voyais le visage de Christian Slater sur une pochette de film (son air vulnérable sur la pochette d’Untamed Heart (1993) ou son sourire humide sur celle de Kuffs (1992)), le geste rapide qui se dirigeait vers le jeton aimanté en disait long sur le début d’excitation qui prenait vie…


J’avais déjà hâte d’aller brailler d’envie dans mon petit salon rose d’enfant dans lequel j’avais la chance d’inviter mes amies à visionner, sur moyen écran cathodique de l’année, nos films choisis (en mangeant des chips au ketchup et en buvant de l’orangeade Kiri en bouteilles). J’étais peu portée à louer les « blockbusters » en 20 copies disponibles (pas seulement parce que ces films ne rentraient pas dans les spéciaux « 3 pour 5 jours », mais plutôt parce que j’avais soif de découvrir l’inconnu, les scénarios plus « underground », les films plus expérimentaux).


J’étais une ado qui cherchait à se démarquer… Peut-être que le commis au comptoir se demanderait ainsi qui pouvait bien aimer le cinéma de répertoire autant que lui? Je crois que j’avais écouté trop de films du genre The Secret Admirer (1985) ou Three of Hearts (1993)… Le commis (qui s’appelait Jonathan soi dit en passant…) tomberait sûrement un jour sous mon charme. J’attendais donc l’amour et je canalisais toutes mes énergies en me projetant dans tout ce que j’écoutais.


Ma vie avait un sens après l’écoute d’un film et je faisais prolonger la fiction dans ma réalité. En effet, c’est après l’écoute que tout continuait à se passer (en attendant l’amour) : je m’étais acheté un kit de baseball chez Canadian Tire après A League of Their Own (1992), je me sentais comme un génie incompris après Amadeus (1984) (pauvre Salieri!), j’étais traumatisée après The Man in the Moon (1991), envoutée après L’accompagnatrice (1992) et confiante après Sixteen Candles (1984).


Je suis nostalgique quand je pense à mon club vidéo, mais si j’étais ado en 2021, je sais aussi que l’excitation, les découvertes et l’amour résonneraient en moi probablement de la même façon, que mes envies seraient comblées par tous les films et séries disponibles (trop) facilement. C’est la vitesse de consommation qui serait différente. J’imagine que mon cerveau serait juste un peu plus gros dans son aire « cinéma ».

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